Le Sourire derrière les vernis

« Vous n’imaginez pas toutes les histoires qui se cachent derrière son sourire. »

Le Testament Médicis au théâtre Lepic

Le sourire le plus célèbre du monde a fait tourner bien des têtes, et couler beaucoup d’encre, aussi. Le mystère qui entoure Mona Lisa suscite l’imagination et inspire des interprétations plus ou moins fantaisistes. La pièce Le testament Médicis, actuellement au théâtre Lepic à Paris, tisse avec brio plusieurs histoires riches en rebondissements autour de ce tableau, de la Renaissance aux années 1960 en passant par les années 20, grâce à une mise en scène simple mais astucieuse. Sur fond de relation compliquée entre un gardien de musée sur le point de prendre sa retraite et son fils, accro au téléphone portable et snob, la pièce déploie une réflexion sur l’Art : qu’est-ce qui fait le chef-d’œuvre, le hasard ou le talent ? Sait-on regarder les œuvres ou se contente-t-on de les « constater » ? Que nous apprennent les tableaux sur nous-mêmes ?

« Je déteste les musées. […] L’émerveillement programmé, ça vous fait de belles, de grandes, de vraies gueules d’abruti-e-s ! »

La question du regard est également au cœur de L’allègement des vernis de Paul Saint-Bris. Ce roman, à la fois caustique et nostalgique, a lui aussi pour sujet le chef-d’œuvre de Léonard de Vinci, qu’il s’agit de restaurer pour attirer encore plus de public au Louvre.

Le désenchantement face aux hordes de touristes qui dégainent leurs portables devant les toiles et accumulent les selfies, sans prendre le temps de les voir vraiment, est le même que celui exprimé par le gardien de musée du Testament Médicis :

« Visiter un musée participait du statut social, un marqueur fiable d’un lifestyle éclairé comme la dégustation de jus pressés à froid ou le port d’une montre connectée. A condition de pouvoir en témoigner. Les réseaux sociaux étaient là pour ça. »

« Des milliards de formes et de couleurs, des milliards de pixels, agencés pour surprendre, étonner, captiver sans cesse, bombarder dans un flux intarissable, indigeste, une diarrhée dont on ne pourrait se soustraire à moins de renoncer à faire partie du monde. Et ce déluge aurait raison des hommes et de leur intelligence, de leur capacité à vivre et à être, de leur capacité à réfléchir et à s’émouvoir, de leur capacité à aimer. Il les détournerait des choses vraies, les obligeant à voir à travers un écran, pour qu’il n’aient plus jamais à lever la tête, courbant leur nuque, fixant le regard dans la même direction pour l’éternité. »

La question de savoir s’il faut enlever la patine du temps (ces couches de vernis successives) rappelle l’échange entre Mona Lisa et un autre restaurateur, dans la pièce de Stéphane Landowski : pourquoi n’aurait-elle pas le droit de vieillir, comme tout le monde ?

« Tant les histoires que les tableaux sont faits de couches successives… » rappelle le gardien dans la pièc. Cette pièce et ce livre illustrent parfaitement le pouvoir de la Fiction, le plaisir que l’on a à inventer ou à entendre des récits, même les plus improbables et rocambolesques…

Le testament Médicis, de Stéphane Landowski, Mise en scène de Raphaëlle Cambray, au théâtre Lepic, jusqu’au 3 septembre 2023

Publié par Céline

Curieuse, j’aime me laisser porter d’une lecture à l’autre, d’un film à un documentaire, d’une expo à un concert… et tisser des liens entre ce qui m’émeut ou me fait réfléchir.

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